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 Infrastructure - La chronique de Christophe Bardy

Fausse générosité…

Apple et EMI ont profité de ce doux mois d'avril pour annoncer le lancement d'une offre de téléchargement de musiques non protégées par des mesures techniques de protection, les fameux DRM (Digital Rights Managament). Concrètement, ces nouveaux morceaux seront lisibles sur la totalité des baladeurs du marché compatibles avec le format MP4 AAC, seront librement transportable d'un PC du foyer à un autre et pourront être gravés un nombre illimité de fois dans le cadre familial.

Cet abandon du DRM est certes un progrès. Mais un peu de recul permet de douter de la générosité de la firme à la pomme et surtout de celle d'EMI. La suppression des DRM fait en effet l'objet d'un surprix de 30 centimes par morceau (1,29 € contre 0,99€ pour les morceaux avec DRM). Une position cynique qui aboutit à faire payer à l'utilisateur la suppression d'une mesure technique instituée par les fournisseurs. Les DRM n'ont en effet été mis en oeuvre que pour satisfaire la rapacité et la paranoïa des majors et des ayants droits.

La presse a unanimement salué le geste d'Apple et EMI avec des titres du type " Apple et EMI libèrent la musique". Mais qui l'avait enchaîné en premier lieu ? S'ils s'étaient posé cette simple question nombre de mes confrères auraient sans doute trouvé fort de café de payer plus cher en ligne pour une liberté qui est évidente dans le monde physique. Rappelons en effet que la quasi-totalité des CD du marché n'est pas protégée…

avril 5, 2007 dans DRM | Permalink | Commentaires (3) | TrackBack

Virgin condamné pour piratage

Il y a des jours où l'actualité fait plaisir. Virgin France, ce groupe respectueux de la propriété intellectuelle, qui a soutenu le DADVSI et qui rêve d'un monde plein de DRM vient d'être condamné à 600 000 € d'amende par le tribunal de Commerce de Paris.

Virgin avait piraté le dernier titre de Madonna lors de son lancement en France (lancement fait en exclusivité par Warner avec France Télécom et Orange), puis l'avait repackagé et reDRMisé pour le diffuser sur son propre site web. Bien sûr Virgin avait fait tout cela "dans l'intérêt du consommateur", le même intérêt du consommateur qui avait sans doute prévalu au départ lorsque Warner avait accordé l'exclusivité à France Télécom/Orange (vous savez l'opérateur dont le slogan est "Open", en bon français, "Ouvert").

Le juge ne l'a pas entendu de cette oreille et à condamné VirginMega à verser 500 000 € à France Télécom et orange (250 000 € chacun), soit le coût de l'exclusivité payée par le groupe, et 100 000 € à Warner. Ironiquement, avec le DADVSI soutenu par Virgin, les sanctions auraient sans doute été beaucoup plus sévères....

juin 29, 2006 dans DRM | Permalink | Commentaires (1) | TrackBack

Barbu, oh, grand barbu, quel doit être mon programme logiciel ? (Ou la rencontre de Ségolène et Richard)

Richard Stallman, le hérault du logiciel libre et fondateur de la Free Software Foundation, était récemment à Paris, avec le résultat que l'on sait. Identifié comme terroriste à l'approche de Matignon (mais quel attribut a donc permis de la classer comme tel), Stallman a été accueilli fraîchement par une compagnie de CRS et n'a pu faire connaître au gouvernement tout le mal qu'il pense du DADVSI, une loi inique, dont la pire des versions sera sans doute cyniquement approuvée, malgré les promesses du ministre de la culture. Il est vrai que l'on devrait avoir l'habitude de l'adage "les promesses n'engagent que ceux qui les croient".

Si Stallman ne séduit pas les hommes qui nous gouvernent, son look très Diogène ne semble pas avoir suffi à repousser Ségolène Royal, tardivement acquise au P2P et à la lutte contre les DRM, malgré l'avis contraire des chantres de la culture de son parti et notamment Anne Hidalgo - Oh Anne, ma soeur Anne, te rappelle tu de la loi sur les radios libres qui avait ouvert en France l'ère des licences globales- et Jack Lang - Oh jack, mon frère jack... zut ça sonne cloche...


Pour faire bref, Ségolène a rencontré Richard et ce qu'il se sont dit sonne comme une douce musique à mes oreilles. En voici quelques extraits :

"Ségolène Royal et Richard Stallman se sont accordés sur le caractère primordial des quatre libertés fondamentales qui fondent le logiciel libre :
- la liberté d'exécuter le programme, pour tous les usages
- la liberté d'étudier et améliorer le programme
- la liberté de redistribuer des copies
- la liberté de publier ses versions améliorées"

"Les développements financés par la puissance publique pour ses propres besoins devraient, de manière générale, être libres(...). Le système éducatif doit développer l'alphabétisation numérique. Cette formation devrait s'appuyer sur les logiciels libres."

"En consacrant juridiquement les restrictions numériques (DRM), le projet de loi « droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information » (DADVSI) va dans la mauvaise direction. Il faudra donc remettre à plat le cadre juridique créé par la loi DAVDSI au niveau français et contribuer à l'élaboration d'un cadre juridique européen et international plus favorable à la circulation des oeuvres et des connaissances."

Tout un programme (politique ?). J'attends déjà la prochaine éructation de la SACEM accusant le PS de soviétisation de l'industrie de la musique. Une SACEM, qui a peut être d'autres chats à fouetter puisqu'elle est confrontée à la menace brandie par l'UE de suppression des taxes pour copie privée sur les supports enregistrables. Il est vrai que l'on peut difficilement soutenir d'un côté des DRM, donc prohiber la copie, et maintenir de l'autre côté une taxe sur la copie. Si ce simple rappel à la logique est transcrit en droit, la SACEM devra expliquer à ses sociétaires pourquoi sa position extrémiste sur le DRM va les priver de plusieurs centaines de millions d'euros de revenus. Une explication qui permettra peut-être enfin à certains artistes de comprendre que, contrairement à la licence globale, les DRM ne protègent pas leurs revenus mais l'oligopole de quelques sociétés de distribution (dont la principale a oublié depuis longtemps sa vocation "d'agitateur culturel") et quelques multinationales du disque et de la vidéo...

juin 29, 2006 dans DRM | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack

CPRM : Un joyeux exemple de l'enfer du DRM

Mon confrère et collègue Valéry Marchive pointe dans son blog les méfaits des DRM lorsqu'ils sont appliqués de façon masquée à des consommateurs lambda. A l'origine, Valéry a été contacté par un lecteur qui rencontrait des problèmes avec des DVD enregistrés sur un graveur de DVD de salon de marque Pioneer. Les DVD-Vidéo en question, créés avec le graveur en question, ne sont pas lisible sur son PC, qui lui affiche un obscur message lui expliquant que son lecteur n'est pas compatible CPRM. Ils sont également illisibles sous Linux et inaccessibles sous Mac OS X. La faute à l'inclusion par Pioneer de la technologie de protection CPRM...

CPRM (Content Protection for Recordable Media), pour ceux qui n'ont pas suivi l'histoire, est une technologie imaginée à la fin des années 1990 par quatre gentils géants de l'électroniques regroupés au sein du consortium 4C , Intel, IBM, Matsushita et Toshiba. Son objectif est de contrôler et de limiter la diffusion de contenus gravés sur des supports amovibles. Selon l'enquête menée par Valéry auprès de plusieurs fabricants (son blog comporte une série de papiers sur le sujet rédigés au fur et à mesurede ses investigations), l'utilisation de CPRM serait courante dans l'univers du graveur de DVD de salon, mais suffisamment aléatoire pour qu'il soit difficile pour l'utilisateur final de savoir si le graveur qu'il convoite est contaminé par la technologie en question.

Car dans le cas présent on peut vraiment parler de contamination. Ainsi tous les contenus gravés par le graveur de salon dont il est question sont tagués CPRM, y compris les contenus créés sur son camescope par le malheureux utilisateur et gravés sur son DVD de salon. Résultat inattendu : même lorsqu'il grave ses propres vidéos sur son graveur de salon, il ne peut ensuite les utiliser sur son PC ou les dupliquer, ce qui, avouons le, est pousser un peu loin la limitation de la "copie privée". Autre problème potentiel, en cas de panne définitive de son graveur de salon et de l'achat d'un nouveau, l'utilisateur en question pourrait ne plus pouvoir relire ses DVD enregistrés, si son nouveau lecteur n'est pas compatible CPRM. Protéger les contenus est une noble idée, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions...

Réflexions à la veille du nouveau débat sur les droits d'auteurs

A la veille du retour du projet de loi de Renaud Donnedieu de Vabres sur le droit d'auteur et les droits voisins, ce cas conduit à réfléchir sur les absurdités que risque de générer la dissémination massive des DRM dans la population. et ce ne sont pas les propositions "rassurantes" du ministre qui me rassurent. Ainsi le fait de donner droit à cinq copie d'un morceau de musique (pourquoi par 3, ou pourquoi pas 17) est en soit une absurdité. j'ai déjà 6 ordinateurs à la maison portable et fixes compris et l'un d'entre eux ne peux déjà pas bénéficier d'un accès à mes morceaux achetés sur l'Itunes Music Store. Avec l'arrivée de nouveaux périphériques musicaux, mais aussi la banalisation des terminaux portables et des réseaux à haut débit, cette limitation à cinq copies semblera bientôt moyenâgeuse.

Par le passé des moines ont tenté d'enfermer la connaissance et la culture dans des monastères. Je crains que les DRM ne soit qu'une version moderne de cet enfermement. Un enfermement assorti d'une perversion : mettre une clé numérique sur un contenu culturel, en change la nature et le transforme en une marchandise. Rien qui n'étonne vraiment, de la part d'une industrie musicale dont la capacité d'innovation se limite depuis plusieurs années à nous abreuver de compilations de Pop Star et Star Academy.

PS. : A l'heure où j'écris ces lignes le seul grand parti à l'origine favorable à la licence globale, le PS, par la voix de son premier secrétaire, a fait marche arrière sous la pression des artistes et de sa composante culturelle (entendez la tendance Jack Lang et Anne Hidalgo). Il abandonne ainsi en rase campagne les quelques 75 % des artistes interprètes français (source ADAMI), et ses députés qui avaient courageusement soutenu la licence globale optionnelle contre le système de flicage généralisé destiné à protéger les quelques privilégiés bénéficiant du système actuel soutenu par la SACEM. Entre culture et marchands du temple, jamais le fossé n'a été aussi grand...

janvier 23, 2006 dans DRM | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack

Droits d'auteurs : les députés se reverront en janvier, la SACEM se discrédite

Le coup d'éclat d'une poignée de députés, dans la nuit de mercredi à jeudi, à finalement réussi à faire dérailler l'agenda du projet de loi sur les droits d'auteurs (DADVSI), que Renaud Donnedieu de Vabres tentait de faire passer à la sauvette et en urgence à l'assemblée à la veille de Noël. Contre la volonté du ministre de la culture et de ses principaux soutiens, notamment la SACEM, le SNEP et les principaux géants des contenus, 30 députés ont réussi à faire passer deux amendements tendant à légaliser les échanges P2P contre une rémunération des auteurs.

Ce soir, alors que le débat se poursuivait à vitesse d'escargot, le gouvernement a finalement décidé de remballer le texte et de reporter les débats au milieu du mois de janvier. Le report de l'examen du texte, ne signifie pas pour autant que la bataille est achevée. Le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, entend faire abroger les deux amendements qui menacent de ruiner son projet. Le report devrait lui permettre de faire pression sur sa majorité parlementaire, très divisée sur le texte, afin de tenter de recoller les morceaux qui peuvent encore l'être. On a en effet vu plusieurs député(e)s UMP se désolidariser ouvertement du gouvernement, pour soutenir les utilisateurs face à un projet inspiré directement par les majors du disque et du cinéma (le texte veut légaliser les mesures techniques de protection empêchant la copie de contenus et pénaliser leur contournement en le rendant passible de 3 ans de prison et de 300 000 € d'amende).

Sans surprise les séides des grands auteurs et groupes multinationaux ont condamné les amendements votés par la représentation nationale durant la nuit. Dans un communiqué intitulé "VEUT-ON TUER LA CREATION FRANCAISE ?", la Sacem estime ainsi que la France pourrait devenir demain la seule nation au monde qui "brade" et "soviétise" la création. Les plus anciens apprécieront le style très Mc Marthyste du propos.

Sans craindre le ridicule la SACEM n'hésite pas à présenter la FNAC et Virgin, comme des entreprises qui portent depuis toujours un intérêt marqué pour la création française. Elle ajoute que les amendements signeraient la mort des sites de musique en ligne français et "et le règne absolu des plateformes multinationales, qui ne verront que des avantages à inonder notre pays à partir de capitales étrangères en offrant les seuls tubes étrangers qu'ils distribuent partout ailleurs". Je devais me faire des illusions en croyant que la culture n'avait pas de frontières... visiblement à la SACEM il y a une bonne culture, française, et des hordes de huns et de goths à nos frontières. Entre la peur des soviets et celle des barbares, la ligne Maginot et plus que jamais de rigueur !

Rappelons pour rire, que le mois dernier la SACEM menaçait encore le "bon citoyen" Virgin de poursuites judiciaires pour non paiement des droits d'auteurs sur son site de téléchargement... La même SACEM ne semble pas non plus s'offusquer depuis 20 ans de la "soviétisation" que représente la collecte de la redevance pour la copie privée par la SORECOP sur les supports d'enregistrements, une redevance qui pourrait rapporter aux auteurs près de 100 M€ cette année, soit plus que les revenus générés par l'Apple Store au niveau européen... Il faut croire que le principe des soviets appliqué à la culture peut parfois avoir du bon en terre capitaliste...

P.S. : A lire aussi sur le sujet :
l'excellent article de Marc Olanié : DADVSI : C'est pas encore pour cette fois...
Le Blog de Tristan Nitot
le blog de mon camarade de jeu Bertrand Lemaire
Le site web de l'assemblée nationale
Le communiqué de la sacem (format word)


décembre 23, 2005 dans DRM | Permalink | Commentaires (2) | TrackBack

DADVSI : la suite

Le site de l'assemblée nationale publie le compte rendu de la première journée de débats sur le projet sur le droit d'auteur à l'assemblée nationale. Il permet de se faire une excellente idée des positions de chacun et du niveau de caricature auquels en sont rendus le ministre et le rapporteur du texte pour défendre leurs positions. Il montre aussi que certains députés ont parfaitement intégré les implications du texte en matière de technologie.

Rappelons par exemple que si le texte est voté, il deviendra impossible de copier ou d'extraire de la musique d'un CD protégé (sauf sur les plates-formes adaptées). Les DVD étant protégés par un mécanismes d'encryption, la simple copie ou lecture d'un DVD sur une plate-forme non homologuée pourra être punie de 3 ans d'emprisonnement et de 300 000€ d'amende. Avec le texte, l'extraction d'un DVD et sa recompression sur un baladeur vidéo seront punies de la même façon. C'est sans doute ce que le ministre qualifie de " troisième voie, intelligente et humaniste,(...) celle de la liberté et du respect de l'autre"...


PS. : Quelques citations :

"Internet est un espace de liberté et de découverte. Ce projet de loi préserve cette liberté et rend possible une offre nouvelle de diffusion des œuvres artistiques et des idées. Il garantit tout autant les droits des internautes que ceux des créateurs en tournant le dos au manichéisme, à l'obscurantisme, à la démagogie facile. Il ouvre une troisième voie entre la jungle de la dérégulation ultralibérale et la geôle que représente l'imposition de contraintes excessives, entre l'anarchie et la tyrannie, entre un univers virtuel sans entraves et les contraintes des procédures. Je suis extrêmement fier de défendre ce texte."
Renaud Donnedieu de Vabre, Ministre de la culture, UMP

"Le Parlement est invité à choisir entre une voie répressive et une voie progressive. La répression est illustrée par les poursuites engagées aux Etats-Unis puis en France pour des faits de téléchargement et de mise à dispositions de musique ou de films, par les perquisitions à l'heure du laitier, par les saisies de disques durs et les sanctions pour l'exemple. Nous fûmes nombreux, au parti socialiste, à demander un moratoire sur ces poursuites qui s'apparentent à des prises d'otage, en vain. Vous prétendez qu'elles permettent de combattre la « piraterie » : voici une notion que le droit - sauf peut-être le droit maritime - ne connaît pas...

Je sais ce qu'est la contrefaçon : provenant de trafics à but lucratif, parfois de réseaux criminels, elle est un danger pour le public et les créateurs et doit être réprimée sans états d'âme. Pourtant, j'ignore ce qu'est la piraterie, et je m'abstiendrai d'utiliser ce terme trop souvent au cours de nos débats, de peur d'appeler « pirates » vos enfants et vos petits-enfants et d'en faire ainsi des délinquants passibles de lourdes peines..."

Christian Paul, député PS

'Prenons ensemble la mesure du risque que représenterait ce projet de loi en matière d'interopérabilité. Certes, il faut savoir s'affranchir de la technique, mais mieux ne vaut pas l'oublier complètement lorsque l'on légifère. L'interopérabilité, c'est la possibilité pour un consommateur de copier un morceau de musique d'un CD vers son baladeur, de stocker de la musique achetée sur n'importe quel site. C'est une simplicité d'utilisation qu'il faut conserver au consommateur, nécessaire à la réussite des systèmes de vente en ligne que vous défendez, et que nous ne critiquons pas. L'absence d'interopérabilité, en revanche, c'est l'obligation d'utiliser un baladeur donné pour une musique donnée, et de racheter toutes les œuvres lorsque l'on change de baladeur. (...)

Le premier éditeur mondial de distribution de Linux est une société française, qui crée des emplois. Si l'on empêche le contournement à des fins d'interopérabilité, on empêchera cette société d'intégrer des logiciels libres. Préserver le logiciel libre n'est d'ailleurs pas dans le seul intérêt des développeurs ou des utilisateurs : il est devenu un bien commun informationnel, indispensable au développement des nouveaux systèmes d'information.'

Christian Paul, député, PS

décembre 22, 2005 dans DRM | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack

Urgence, contre le DAVDSI

L'examen en urgence (si si vous avez bien lu) du projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins (DADVSI) a commencé hier à l'assemblée nationale. Ce projet funeste, porté par un ministre obtu (Renaud Donnedieu de Vabre) et une poignées de lobbies, dont les multinationales du disque, le SNEP et la SACEM, est une menace pour la libre utilisation des contenus numériques, mais aussi pour l'industrie du logiciel libre et pour les auteurs. Officiellement, le DADVSI est censé lutter contre le piratage des oeuvres. Une noble cause, donc. Les moyens qu'il préconise dans ce dessein sont malheureusement les pires. Ils sont en fait promus par une poignée de multinationales des médias et par leurs séides, dans un acte désespéré (ant) de maintien du contrôle qu'elles exercent encore sur la distribution des contenus numériques.

En l'état, le projet et les principaux amendements au texte menacent de généraliser les DRM pour toute diffusion de contenu numérique qu'il s'agisse de musique, de vidéo, de radio... Le DRM, du moins tant qu'il n'a pas été cassé, est un moyen de protéger un contenu contre le piratage. Mais c'est surtout un moyen pour le diffuseur d'établir un contrôle total sur la façon dont un contenu est consommé par les utilisateurs. Via le DRM, une multinationale du disque pourra interdire à un utilisateur de transférer un CD sur son baladeur MP3 ou du moins limiter le nombre de transferts possibles. Elle pourra aussi limiter le partage d'un contenu légalement acheté entre les différents membres d'une famille. Par exemple un film qui peut être aujourd'hui stocké sur un serveur et partagé par plusieurs postes ne pourra plus être consulté que sur le poste qui l'héberge. ou le partage pourra être facturé en sus de l'achat original...

Pire le verrouillage d'un contenu par DRM empêchera son utilisation pour certains usages considérés aujourd'hui comme normaux. Ainsi plus question d'utiliser un extrait musical comme bande sonore d'un film personnel, ou d'extraire des extrait de films ou de musique pour un cours, ou une présentation . Le DRM, c'est aussi à terme la fin des médiathèques et autre audiothèques publiques, bref de tous les lieux qui permettent un accès partagé à la culture.

Enfin le DRM obligatoire est aussi une menace pour le logiciel libre. Le concept même de DRM est en effet inconciliable avec celui de l'open source, ce qui fait que le vote du projet DADVSI pourrait mettre définitivement linux hors course sur le marche du numérique. A l'heure où tous les médias se convertissent au numérique, cela revient à exclure linux du poste de travail.

Au fond, le prétexte du DADVSI est de protéger la culture. C'est un mensonge. Le DADVSI a essentiellement pour but de créer un système de tranchées et de barricades pour protéger le contrôle établi de quelques acteurs sur le marché de la diffusion des contenus. Le premier des supports de la culture, le livre, peut toujours être partagé, prêté à des amis sans que cela ne constitue un acte criminel. Pourquoi ne pourrait-il en être de même pour la musique et la vidéo à l'ère numérique. Pointer du doigt les utilisateurs et les menacer de poursuites criminelles (3 ans d'emprisonnement) en cas de contournement d'un dispositif de protection est un acte désespéré et illusoire. L'histoire, et les français ne le savent que trop bien, a montré que les lignes Maginot ne mènent qu'à des catastrophes. Quel sera donc le prix de celle que proposent de construire le général Donnedieu de Vabre et ses alliés, les multinationales oligopolistiques des médias ?

Lire aussi :

Le projet de loi à l'assemblée : le projet DADVSI
le blog de Tristan Nitot : http://www.standblog.com
Le site eucd.info : http://www.eucd.info
Le sie de l'Adami : http://www.adami.fr
Uen étude sur le P2P de Que Choisir : http://www.quechoisir.fr

décembre 21, 2005 dans DRM | Permalink | Commentaires (2) | TrackBack

La protection anti-copie de CD de Sony a des airs de cheval de Troie

Mark Russinovich, l'architecte logiciel en chef de Winternals Software a levé un lièvre, qui montre à quel point les majors du disque ont perdu la tête. Sony-BMG, puisque c'est de cette société qu'il s'agit, utilise sur certains de ces CD-Audio, un système de protection contre la copie et de gestion de droits numériques, dont le fonctionnement s'apparente plus à celui d'un virus ou d'un cheval de Troie qu'à celui d'un logiciel honnête. Le code, installé sur un PC par le CD-Audio, est entièrement masqué, comme dans le cas d'un cheval de Troie, et il détourne les appels standards au pilote de CD. Il n'est fourni avec aucun programme de désinstallation et plante le PC lorsqu'on tente de le retirer manuellement...

Bref, en achetant l'un des CD de Sony-BMG protégé par ce dispositif, un utilisateur de PC perd le contrôle de sa musique, puisqu'il ne peut librement exercer son droit à la copie privée, mais aussi de sa machine, puisque le logiciel détourne le fonctionnement normal du PC. Cela ne semble pas géner outre mesure le patron de la major qui a expliqué que "la plupart des gens ne savent même pas ce qu'est un rootkit, alors pourquoi devraient-ils s'en faire?". J'hésite entre qualifier sa position de cynique ou de surréaliste...

Après les révélations de Russinovich, Sony-BMG a néanmoins commencé à rétropédaler et mis à disposition des utilisateurs qui le souhaitent, un système qui dévoile le logiciel de protection et permet de le désinstaller. Mais le remède semble pire que le mal. Tout d'abord, il installe et met à jour des DLL existantes. Ensuite, il communique avec des serveurs web de Sony et permet, semble-t-il, à la major de recueillir des informations de lecture et d'ID, alors que ce fait n'est aucunement mentionné dans la licence du logiciel.

La lecture des deux billets de Russinovitch sur le logiciel (en anglais ici et ) est plus qu'éducative. Elle montre aussi à quel point les majors ont perdu la tête car ce type de protection est un véritable non sens, dans la mesure où il ne pose des problèmes que pour les utilisateurs honnêtes (ceux qui achètent le CD) et non pas pour les malhonnêtes (ceux qui le télécharge illégalement sur Internet). Question respect de ses clients, on a déjà vu beaucoup mieux...

novembre 5, 2005 dans DRM | Permalink | Commentaires (1) | TrackBack

Le DRM m'agace

Cette fois, le DRM commence vraiment à m'agacer. Entre les ordinateurs portables et fixes, professionnels et personnels utilisés par ma femme, mes enfants et moi, la maison comptait jusqu'alors 2 Mac et 3 PC, tous équipés d'Itunes. Pour l'essentiel ma collection de MP3 est composée des morceaux ripés de mes quelque 400 CD-Audio, mais j'ai aussi acquis l'équivalent de 5 ou 6 albums en moins d'un an sur le magasin en ligne d'Apple, tous protégés par DRM. Je l'avoue j'étais jusqu'alors heureux de la situation. Mais l'arrivée du 6e ordinateur, un Mac Mini, m'a fait toucher du doigt les limites prévues par Apple dans son DRM Fairplay.

Du fait des limitations imposées par les majors, le dernier arrivé n'a pas le droit d'écouter les morceaux que j'ai pourtant acquis légalement, à moins de vouloir jongler en permanence avec les autorisations/déautorisations d'ordinateurs . Officiellement, la limite à 5 ordinateurs est jugée raisonnable ("Fair") par Apple. Moi aussi, je la trouvait plutôt raisonnable jusqu'alors. Maintenant que j'ai dépassé le plafond fixé, elle m'agace prodigieusement - pour rester poli.

Autant je peux comprendre le besoin de protection de contenus émis par certains auteurs afin d'éviter la diffusion illégale tout azimut de leurs oeuvres (après tout je vis moi aussi de mes écrits et de leurs droits), autant la limitation d'utilisation imposée par la cupidité des majors me paraît illégitime, pour ne pas dire en contradiction avec l'esprit, sinon la lettre de la législation française. Seule solution de contournement (excepté dégrader la qualité audio en passant par une gravure sur CD et un nouveau RIP) faire sauter le DRM Apple en utilisant le petit utilitaire développé par Jon johansen, déjà réputé pour avoir développé DeCSS, l'algorithme qui a permis de casser la protection des DVD. Ca marche parfaitement, mais j'avoue qu'il est quand même paradoxal de recourir à une telle méthode sur des morceaux achetés légalement... de plus le procédé deviendra parfaitement illégal et même criminel dès que notre joyeux ministre de la culture (pourtant étiqueté libéral) fera voter sa loi sur la protection des droits d'auteurs

Canal plus se vautre dans le DRM

Autre moment d'agacement le lancement par Canal+ de CanalPlay, son bouquet cinéma à la séance sur Internet. Comme il fallait s'y attendre - les différentes filiales de Vivendi ont un historique chargé d'utilisation de la gestion de droits numériques-la chose fait abusivement usage du DRM Windows et donc ne fonctionne ni sur Mac ni sous Linux. CanalplayPire, ses tarifs sont prohibitifs. La location d'un film pour 24h revient ainsi à 4,99 € (3€ en promotion) , soit bien plus cher que chez un loueur de DVD. Un vrai paradoxe quand on se dit que toute la chaîne de CanalPlay est dématérialisée. Bien sûr, regarder le film loué sur une TV relève du parcours du combattant, à moins de disposer d'un des très coûteux PC Media Center. Et autant ne pas se faire d'illusions sur les possibilités d'enregistrer le programme loué en Pay-per-view, ce qu'il est pourtant possible de faire, très simplement, avec le système de Pay-per-view Kiosque de CanalSatellite. On vous le dit et on vous le répète, le numérique apporte de vrai progrès... On se demande pour qui...

SanDisk encarte le DRM
Gruvi
Enfin, dernier coup de gueule, SanDisk a aujourd'hui annoncé le lancement de ses cartes "Grüvi" à base de technologie Trusted Flash. Pourquoi trusted ? tout simplement parce que la carte incorpore son propre crypto-processeur et un DRM embarqué. Mis à part les aléas d'utilisation (il faut un lecteur bien spécifique signé Packet video), je frémis encore au prix de l'unique album musical aujourd'hui disponible sur la chose, l'album "a Bigger Bang" des Stones. On dit que la valeur des ans n'attend pas, mais à 40 $ l'album verrouillé sur une carte avec un DRM propriétaire, je trouve que cela fait un peu cher, et surtout pas très... "grüvi"!

septembre 28, 2005 dans Actualité, Apple/Macintosh, DRM | Permalink | Commentaires (9) | TrackBack

Intel met le DRM au coeur de ses chipsets

Le lancement par Intel de son chipset 945G, l'indispensable complice du Pentium-D bi-coeur, s'est accompagné d'une touche inhabituelle de bravoure de la part d'un des responsables produits de la marque. Interrogé par nos confrères de Computerworld Australie, le sieur Graham Tucker, un responsable technique d'Intel, a confirmé que le jeu de composants 945 G, couplé au Pentium-D, embarque des fonctions de gestion de droits numériques, qui peuvent interagir avec le DRM de Microsoft, mais aussi de façon plus générique avec d'autres DRM.Cela me rappelle un lointain Intel Developer Forum où, un tantinet idéaliste, j'avais interrogé le fondeur sur sa position concernant les DRM lors de la conférence de presse d'accueil...

La réponse : "nous veillons à protéger l'utilisateur tout en satisfaisant les droits légitimes des détenteurs de contenus". J'avais alors expliqué ne pas comprendre la réponse et demandé si oui ou non Intel soutenait les DRM. Pause gênée de l'orateur, qui m'explique alors que Intel est pour le DRM lorsqu'il protège les ayants droits et contre lorsqu'il est utilisé abusivement pour restreindre les droits des utilisateurs. J'étais vraisemblablement un tantinet bouché ce jour-là, mais la réponse ne m'a pas paru suffisante. Devant un parterre de confrères hilares, j'ai donc demandé s'il fallait comprendre qu'Intel était donc à la fois pour et contre le DRM. J'ai alors senti un tapotement sur mon épaule et un porte-parole de la firme m'a expliqué à l'oreille qu'Intel me fournirait toutes les réponses à mes questions en aparté. Bien sûr, je n'ai jamais eu de réponse vraiment satisfaisante, et un chaperon m'a discrètement "supervisé" au cours des jours suivants au cas où je déciderais de renouveler ma crise d'impertinence...

Fort de cette expérience, je n'ai pu m'empêcher de sourire à la lecture de la dépêche de mon confrère de Computerworld Australia, Julian Bajkowski. Sa question : comment fonctionnent en détail les fonctions DRM embarquées dans le 945G. La réponse de Tucker pour Intel : "Il n'est pas dans l'intérêt de la compagnie [Intel] de détailler comment fonctionne la technologie... dans l'intérêt de la sécurité".
Voilà ce que j'appelle une réponse franche. Acheteur de PC passe ton chemin, le fonctionnement de ton PC n'est plus ton problème. Plus sérieusement, la réponse dénote le mépris de plus en pus grand de l'industrie du PC pour ses utilisateurs, un mépris qui transforme progressivement une plate-forme ouverte en une prison pour contenus numériques protégés.

Terminons par cette petite note "d'optimisme" : Se voulant rassurant, Tucker a expliqué à nos confrères australiens que l'inclusion de technologies DRM dans le chipset 945G n'affecterait pas rétrospectivement les médias non protégés déjà stockés sur les PC. J'ai enfin ma réponse : Intel est pour le DRM sur les nouveaux médias et contre pour les anciens...


P.S. : Comme Microsoft, Intel est une cible facile pour la critique des DRM, mais le développement de ces technologies est une oeuvre très largement partagée. Parmi les grands contributeurs mondiaux, on peut ainsi citer les cinq compagnies initiatrices de la technologie DTCP (Digital Transmission Content Protection) : Hitachi, IBM, Matsushita (Panasonic), Sony et Toshiba, qui ont très largement contribué au décollage du DRM dans les PC. Il ne faut pas non plus oublier les grands de la téléphonie mobile ainsi que Philips, Apple, ATI, Nvidia...


mai 27, 2005 dans Actualité, DRM | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack