Quand Skype grignote de la bande passante en douce

En Janvier, il y avait déjà eu un assez long débat sur la mailing list Full-Disclosure (http://lists.grok.org.uk/pipermail/full-disclosure/2005-January/031140.html) sur la propension de Skype à manger indélicatement la bande passante de ses utilisateurs et sur les méthodes possibles pour remédier au phénomène. Cette fois-ci c'est Kevin Tolly, qui met les pieds dans le plat avec une étude (facturée 399 $) sur les problèmes de bande passante que peut poser Skype dans une entreprise. Tolly est le patron du Tolly Group, un laboratoire de test d'équipements réseau partenaire de Network World, la publication soeur de Réseaux et Télécoms aux Etats-Unis.

Sa conclusion : "Skype doit faire des efforts pour devenir un meilleur citoyen sur les réseaux d'entreprises". Une autre alternative, bien sûr, est d'éviter le logiciel et de lui préférer des alternatives plus standards, comme les solutions de téléphonie basées sur SIP. L'avantage des standards est qu'il sont en effet bien documentés...

Skype dangereux pour les réseaux ?

Skype peut-il être dangereux pour la santé de votre réseau d'entreprise ? C'est la question que s'est posé Tolly. Que leur réseau transporte des paquets Skype ne sera pas une surprise pour bien des administrateurs, dont les utilisateurs utilisent le logiciel. Nombre d'administrateurs réseau ont déjà sans doute découvert à quel point il est difficile de bloquer l'utilisation du logiciel. Mais il y a pire. Grâce à Skype, les liens WAN et LAN de l'entreprise pourraient bien transporter des communications VOIP qui n'ont rien à voir avec les usagers de l'entreprise. En clair des communications dont l'origine ou la terminaison ne sont pas sur le réseau de l'entreprise. De par sa nature pair à pair, Skype fait en effet usage de la bande passante de ses utilisateurs pour transporter les appels de sa "communauté".

Lorsque le Tolly Group, s'est intéressé de plus près au trafic généré par Skype, en l'absence de toute information fournie par la société elle-même, il a découvert que chaque poste Skype devient en pratique un noeud d'un gigantesque réseau pair à pair, dont chaque membre participe au routage et au transport des appels. En fait chaque PC équipé de Skype se comporte comme un mini-serveur dans l'univers de Skype.

quand Skype joue au pac-man avec la bande passante

Le résultat peut être désastreux en terme de bande passante, à moins de recourir à des outils de filtrage de niveau 7 plutôt coûteux. Ainsi si un appel Skype consomme entre 24 et 128 Kbit/s de bande passante, rien que de très normal pour un logiciel de communication IP, la fonction de relais du réseau pair à pair peut dévorer jusqu'à deux fois ces montants. Or, il n'y aucun moyen simple de limiter ce trafic, même lorsque Skype n'est pas démarré. Sous Windows, le service Skype continue en effet de fonctionner en tâche de fond à moins de le tuer (par un Kill) ou de désinstaller complètement l'application.

Pire, ce fonctionnement est parfaitement légal : lorsque l'utilisateur souscrit à Skype et à sa licence, il donne la permission au fournisseur d'utiliser son poste comme un relais potentiel(4.1. Permission to utilize Your computer. In order to receive the benefits provided by the Skype Software, you hereby grant permission for the Skype Software to utilize the processor and bandwidth of Your computer for the limited purpose of facilitating the communication between You and other Skype Software users). Résultat, dans certains cas ce n'est pas l'utilisateur qui utilise Skype mais Skype qui utilise l'utilisateur. Un compromis sans doute acceptable par un particulier en échange de la gratuité des appels, mais qui peut rapidement devenir problématique en entreprise ou dans des lieux où la bande passante est une ressource rare et coûteuse...

P.S. : ci-après un lien vers une analyse du protocole Skype réalisée en 2004 par des chercheurs de l'Université de Columbia (http://arxiv.org/pdf/cs.NI/0412017))